Homélie de S. Exc. Mgr Bernard Ginoux le 9 juillet 2025

29 juillet 2025

HOMELIE du 9 JUILLET 2025

 SOLENNITE DES BIENHEUREUSES MARTYRES D’ORANGE

Chaque année nous revivons ici même la mémoire vivante des 32 religieuses martyrisées à Orange en ce terrible mois de juillet 1794 (appelé alors « messidor » et « Thermidor »). Cette année marque aussi le centenaire de leur béatification que nous avons célébré solennellement le 11 mai.

La Parole de Dieu qui nous est donnée pour cette fête est une invitation à la confiance. Dans les situations les plus critiques, dans les moments où se présentent des accusations mensongères et mortifères, lorsque tout semble perdu, l’Espérance vient au secours de notre faiblesse. Aussi bien le Livre d’Esther (1re lecture) que l’évangile assurent que le Seigneur entend le cri du juste persécuté, de celui qui cherche la face du Seigneur, de tout croyant qui s’attache entièrement au Seigneur. Le psaume traduit pleinement cette confiance. C’est celle qui remplissait le cœur de ces femmes coupables de fidélité au Christ dont elles se voulaient les épouses.

En considérant la vie de ces religieuses, de ces femmes consacrées à l’amour de Dieu et à son service c’est bien ce qui apparaît d’évidence. Elles ont répondu à l’appel du Seigneur à se donner à Lui sans réserve. Elles ont choisi une vie d’obéissance à la loi divine dans la pauvreté et la chasteté. Elles ont prononcé des vœux de fidélité pour toujours. Elles ont, dans la discrétion du cloître ou du couvent, voulu vivre un office d’amour, être épouses et servantes du Christ. Elles font de leur vie une offrande d’amour chaque jour renouvelée.

Quand arrive l’heure tragique de la Révolution cette vie religieuse devient aux yeux des accusateurs publics, avides de sang, le creuset « dans lequel s’est tramé dans le crime la perte de la République…. Elles ont propagé le plus dangereux fanatisme… Elles ont prêché l’intolérance et la superstition la plus affreuse… Ce sont de dangereuses ennemies de la République » Des accusations similaires vont se retrouver dans bien des procès intentés contre l’Eglise Catholique et les chrétiens au cours des siècles récents (85%). Il faut lire l’histoire contemporaine, les horreurs du communisme en URSS et dans les pays satellites, en Chine, au Vietnam, au Cambodge, il faut regarder bien des pays d’Afrique où l’on exécute des milliers d’innocents. Mais il faut aussi ouvrir les yeux sur les accusations contre l’Eglise dans nos pays d’Europe, sur le combat de la laïcité qui est, en fait, toujours celui du laïcisme révolutionnaire. Ce même esprit de haine du christianisme continue de vouloir faire disparaître les références chrétiennes de la société. L’évangile que nous avons entendu est un avertissement du Christ qui n’a pas caché à ses disciples qu’ils seraient persécutés. L’annonce du Royaume de Dieu et le témoignage de la foi par notre vie se vivent toujours dans la contradiction. N’oublions pas le prix à payer quand nous sommes fidèles au Christ et à l’Eglise : « Vous serez détestés de tous à cause de mon nom » (Mt 10, 22). Nous devons prendre conscience que « là où le Maître est passé, le disciple passera aussi ».

Mais nous ne devons pas craindre ce chemin, cette route de la sainteté qui passe par l’évangile de la persécution. Le Christ promet l’assistance de l’Esprit-Saint face aux accusateurs et le salut final à ceux qui ont Lui ont fait confiance. Les religieuses que nous vénérons sont de ceux-là. Elles ont mis leur foi dans le Seigneur sans autre considération que l’amour de Dieu pour elles.

Nous sommes leurs héritiers non pas en venant une fois ou l’autre les fêter, non pas en nous agitant pour leur souvenir, non pas en nous rappelant des liens de famille mais en vivant aujourd’hui dans l’attachement indéfectible au Christ notre Sauveur. Nous suivrons les Bienheureuses Martyres par le don de notre personne au Seigneur, en Lui donnant la première place dans notre vie, en consacrant notre existence de laïcs, de prêtres, de religieuses, à faire la volonté de Dieu à travers notre vie quotidienne. En clair, nous serons les véritables héritiers de ces saintes femmes en devenant des saints et des saintes, des témoins infatigables de l’Evangile, des serviteurs et des servantes de l’Eglise. Honorer les saints c’est s’engager sur leur chemin. Il ne nous sera peut-être pas demandé de verser notre sang mais assurément il nous est demandé de témoigner, d’être fidèles, de ne pas nous compromettre avec toutes les permissivités du monde, de vivre dans la confiance absolue en Jésus notre Sauveur. Nous comprenons alors comment la vie des martyres nous aide à être libres. Plutôt que de nous soucier sans cesse de demain, plutôt que de nous appuyer sur les garanties illusoires de l’argent ou de la réussite, nous n’avons qu’à avancer dans la confiance : « Dieu pourvoit ». La Parole de Dieu que nous avons entendue, l’audace des Religieuses Martyres, leur liberté, nous montrent que tout nous est donné si nous laissons agir le Seigneur. Elles ont pu affronter le supplice sereinement parce qu’elles savaient qu’elles étaient entre les mains de Dieu et qu’elles allaient vers une joie éternelle que nul ne pouvait leur ravir. C’est cette joie qui nous attend si notre cœur s’ouvre à l’accueil de la vie divine, la vie éternelle.

Mgr Bernard Ginoux
évêque émérite de Montauban
ancien archiprêtre de Notre-Dame à Orange